Acheter une voiture de collection n’est pas un acte banal, pour certains cela se résume juste à ajouter une voiture à leur collection alors que pour d’autres c’est un achat passion. En effet on n’achète pas une « Classic Car » (comme on dit en anglais), juste pour se déplacer, on achète ce qui nous a fait rêver toute notre jeunesse.
Le chanceux propriétaire que je vais vous présenter à travers de ses voitures transpire la passion et la gentillesse. Son dévolu s’est jeté sur la marque italienne au cheval cabré, Ferrari. « Quand on aime on ne compte pas » dit le proverbe Syldave. La citation n’a pas été choisie au hasard puisque notre homme a acquis 3 Ferrari durant les 40 dernières années : trois 275 GTB ! Chacune de ces 275 possède une longue histoire, et deux des trois sont des modèles spéciaux à part entière.
Au début de mes échanges avec le propriétaire je ne pensais pas particulièrement écrire un article autour de ses voitures, je voulais me concentrer uniquement sur les photos. Puis au fur et à mesure des discussions je me suis rendu compte qu’il y avait énormément de choses intéressantes à dire, tant au niveau des voitures elles-mêmes, qu’au niveau du personnage. Au premier abord le propriétaire était un peu surpris et intrigué, et puis en lui expliquant ma démarche il s’est pris au jeu, et s’est laissé interviewer gentiment.
Le but n’est pas de divulguer sa vie privée ni d’être ostentatoire, mais je souhaite présenter cet article comme un hommage, un hommage a cet homme plein de gentillesse et de passion qui a passé près de 40 ans de sa vie à se constituer cette superbe collection qu’il m’a dévoilé. De plus de nos jours on a parfois tendance à retenir que les chiffres « cette voiture vaut tant, ce collectionneur possède ceci cela ». Je me suis donc efforcé de mettre en avant l’histoire de cet homme et de sa quête avec la marque Ferrari, plutôt que de simplement aligner les photos de chaque voiture.
Cela permet d’amener de l’âme à cette histoire et c’est aussi l’occasion pour le propriétaire de s’expliquer sur chacune de ses voitures en présentant des preuves, vérifiables et irréfutables, sur les sites Internet de chaque voiture.
La Ferrari 275 GTB est une Berlinetta GT, à moteur avant, produite par Ferrari entre 1964 et 1968 à environ 740 exemplaires.
A l’époque tout n’était pas aussi simple que maintenant chez Ferrari, il y avait de multiples versions au sein d’un même modèle, et le modèle en lui-même subissait de nombreuses modifications au court de sa production. Les carrosseries Nez Long (Long Nose) étaient déjà existantes sur les 250 GTO /62’ et /64’, et le premier prototype de 275 GTB (février 1963) se verra construit avec un Nez Long (Long Nose). Par contre le début de la production des 275 GTB en 1964 ne verra sortir de Maranello que des Ferrari 275 GTB/2 dites Short Nose (Nez Court). ‘‘/2’’ indique la présence de 2 arbres à cames (avec 3 ou 6 carburateurs Weber), et Short Nose faisant référence au dessin du capot et de la partie avant courte. Le châssis était fabriqué en acier. Quant à la carrosserie elle pouvait être acier ou aluminium.
En 1965 les versions Long Nose (Nez Long) de la 275 GTB/2 sont apparues, reconnaissables par leur avant légèrement allongé et abaissé pour réduire la trainée à hautes vitesses. 1 an après Ferrari est donc revenu sur sa décision en revenant donc aux Nez Long des 250 GTO de 1962, auxquels avaient été préférés les Nez Court à l’origine en 1963.
En 1966 est introduit la Ferrari 275 GTB/4, ‘‘/4’’ indiquant le passage à 4 arbres à cames. Elle est dorénavant proposée en version Long Nose uniquement, avec 6 carburateurs Weber seulement, avec une carrosserie acier ou aluminium. Les 275 GTB/4 de 1966 se reconnaissent par leur légère bosse sur le capot avant (le passage à 4 arbres à cames nécessitant plus de volume).
La première voiture avec laquelle nous avons commencé à faire des photos est la Ferrari 275 GTB/2 (6 carburateurs) Long Nose. Les lieux pour faire des séances photos ne sont pas nombreux à Monaco, il se comptent sur les doigts d’une main (pour un territoire de 2km2 cela peut se comprendre). Rajouter à cela les aléas habituels (voitures garées, accès au lieu fermé, etc) et vous comprendrez pourquoi on voit majoritairement des photos sur la fameuse digue principale du Port Hercule (encore faut il qu’il n’y ait pas de bateau de croisière).
J’ai donc décidé de positionner la voiture près de l’Héliport dans le quartier de Fontvieille, en espérant avoir quelques hélicoptères en arrière plan. Et au final nous avons plutôt été chanceux puisque le ballet des hélicoptères était incessant. Le propriétaire s’en amusait également et me demandait régulièrement si je les avais eu en photo avec sa voiture « maintenant, maintenant prenez la photo il y en a derrière ! C’est bon vous l’avez eu ?
C’était l’opportunité pour lui de m’expliquer son histoire (d’amour) avec Ferrari et les 275 GTB. Quand j ‘étais jeune la voiture de mes rêves était la Ferrari 275 GTB, c’était une merveilleuse voiture qui me faisait rêver mais je n’avais pas les moyens d’en acheter une pour être honnête. Même si le prix n’atteignait pas les sommets des côtes actuelles, c’était une GT Ferrari donc hors de prix.
A ce moment là je me suis demandé comment cet homme qui était devant moi avait pu en devenir le propriétaire alors qu’il me soutenait ne pas en avoir les moyens à l’époque. Je ne lui ai pas demandé quel était son secret car cela ne me regarde pas. Mais au moment où je réfléchissais à cela il a immédiatement enchainé en m’éclairant sur ce point : « Comme je n’avais pas les moyens d’en acheter une état concours, j’ai décidé de me mettre à la recherche de 275 GTB épaves ou en pièces, afin de les payer moins cher, et de les reconstruire par la suite pour atteindre mon rêve : en posséder une.
Mais notre homme m’indique d’emblée qu’il n’a pas fait ces achats pour spéculer : « Je me fiche du prix que cela vaut, je n’avais pas l’objectif de les acheter pour revendre.
Il faut dire que l’histoire de cette, et de ces (ses) autos est directement liée à celle de notre homme. Il a passé près de 40 ans de sa vie à acheter, restaurer, enquêter sur ses voitures : « j’ai toujours été passionné par les automobiles. J’étais peintre décorateur à Monaco et quand j’avais du temps pendant mes vacances je passais mon temps à parcourir le monde à la recherche d’épaves/automobiles en pièces. Je suis allé en Pologne (afin de rechercher une Mercedes 540K abandonnée par l’armée allemande en 1945), puis en Grèce, aux USA à maintes reprises, afin de rassembler des pièces et de réunir des informations sur les voitures, rencontrer des personnes liées à ces voitures, etc.
L’idée d’acheter des voitures accidentées ou en pièces n’est pas due au hasard, puisque étant enfant il procédait déjà de la sorte : « quand j’avais 10 ans dans les années 1960, je passais mon temps à chercher des motos abandonnées dans les granges, entrepôts, etc avec un ami. Un jour en se promenant dans une grange on m’a donné une 500 DKW (qui était hors service) provenant de l’armée allemande. Je l’ai ramenée à la maison et tout de suite mon père m’a demandé ‘‘mais qu’est-ce que c’est que cela ?! Où as-tu eu cela ?’’. Je lui ai donc dis qui me l’avait donné et mon père est allé le rencontrer. Cet homme s’est empressé de rassurer mon père en lui disant de ne pas s’inquiéter, que de toute façon elle ne marcherait jamais car cela fait presque 10 ans qu’il essaye de la remettre en route sans succès. Mon père m’a donc laissé bricoler sur cette moto. Et deux jours après, en revenant de son travail, il entendait la moto tourner. Deux ans après j’ai acheté une 500 Terrot pour presque rien, elle est toujours dans mon garage d’ailleurs.
En s’approchant de l’auto et en la pointant du doigt il me précisa : « celle-ci par exemple a une histoire méconnue.
Cette superbe 275 GTB/2, Long Nose, carrosserie aluminium, 6 carburateurs, châssis #08501 a été achetée et possédée par Dennis Wilson en 1967, batteur du célèbre groupe The Beach Boys. Elle était alors grise.
Début 1968 Dennis Wilson et les Beach Boys traversaient une période creuse. Un jour Dennis prit à bord d’une de ses voitures deux auto-stoppeuses, qui s’avéraient être membres de ‘‘La Famille’’ : un mouvement hippie de quelques dizaines de membres fondé par Charles Manson en 1966. Charles Manson était un criminel américain, dont le mouvement La Famille, s’est rendu célèbre par une série d’assassinats dans la région de Los Angeles dans les années 1969 et en particulier celui de Sharon Tate en août 1969, la femme du réalisateur franco-polonais Roman Polanski. Dennis passa la nuit avec les deux auto-stoppeuses chez lui à Los Angeles (Californie) et fit ensuite la connaissance de Charles Manson. Et depuis ce jour ils sont devenus amis, et l’ensemble de La Famille, dont Charles Manson, se sont installés dans la résidence de Dennis Wilson.
Dans la résidence des frères Wilson, Brian et Dennis, début 1968 il y avait trois 275 GTB : cette Ferrari 275 GTB/2 6C #08501 (qui était alors grise) plaque Californienne VAM 559, une autre Ferrari 275 GTB/2 6C #08743 (qui était grise aussi avant d’être repeinte en rouge) qui elle était à Brian Wilson, le frère de Dennis, plaque Californienne TVR 872. Et enfin une 275 GTB/4 rouge.
Pendant qu’ils étaient dans la résidence des frères Wilson, des membres de ‘‘La Famille’’ ont emprunté la voiture (la Ferrari 275 GTB/2 6C #08743 de Brian Wilson) et ont eu un accident avec à Los Angeles. L’avant et l’arrière ont été endommagés.
‘‘La Famille’’ Manson resta quelques temps dans la résidence des frères Brian et Dennis Wilson puis leur séjour dans la résidence des Wilson prit fin courant 1968. ‘‘La Famille’’ et tous ses membres se sont alors installés dans le fameux Spahn Movie Ranch de Los Angeles (un ranch créé de toute pièces afin de servir de décor de cinéma et télévision).
Lors de l’été 1968, Dennis Wilson s’est rendu à Spahn Movie Ranch avec la 275 GTB #08501 pour s’entraîner et jouer de la musique comme il avait l’habitude de le faire. Et cette fois encore un membre de ‘‘La Famille’’, Steven Grogan, connu sous le surnom de “Tufts Clem” et Charles Denton Watson “Tex” ont emprunté la voiture à l’insu de Dennis, et ont eu un accident avec. Le lendemain “Clem” et “Tex” déclarerons l’avoir échappé belle et que la voiture avait fait deux tonneaux, ils ont réussi à s’extirper de la voiture par la fenêtre passager. La voiture a donc subi de gros dommages : capot, pare-chocs, ailes, au toit, et à l’arrière. Seulement le couvercle de coffre, l’aile arrière-droite et la portière avant droite sont restées intactes au niveau carrosserie, le moteur et le châssis demeurant intacts également.
La voiture, ou plutôt l’épave a ensuite été mise en vente à Hollywood Sport Car Garage à Los Angeles en tant qu’épave mais avec châssis intact. Depuis 1989 les parties démantelées de la voiture ont changé de main jusqu’en 2002, date à laquelle notre cher propriétaire actuel l’a acquise et l’a totalement restaurée et peinte en jaune.
Pour plus de détails assurez vous de visiter le site qui lui est entièrement dédié : http://www.ferrari275gtbc.com/index.html
Passons du jaune au bordeaux avec la deuxième Ferrari 275 GTB, et la première des deux versions spéciales : la Ferrari 275 GTB S.E.F.A.C #05161. Cette 275 GTB peut paraître normale au premier abord mais si vous regardez plus précisément (l’arrière notamment) vous verrez qu’elle est particulière.
J’ai vu cette 275 GTB S.E.F.A.C pour la première fois en 2010, pendant le Téléthon de Monaco (un événement de charité avec des baptêmes en Supercars). Au premier regard j’ai cru avoir affaire à une Ferrari 275 GTB mais deux choses m’intriguaient : la prise d’air sur le capot (aucune 275 GTB/2 ou 275 GTB/4, ou même 275 GTB/C n’a de prise d’air de série), et cet arrière si particulier qui rappelle les 250 GTO (Serie II, aussi surnommées 250 GTO 64).
Au sein de la Scuderia Ferrari, un département spécial est créé le 23 mai 1960 : la S.E.F.A.C (Societa Esercizio Fabbriche Automobili e Corse). Un certain Michel Paul Cavallier (un important industriel français, PDG des usines Pont à Mousson) mobilise ses fonds propres et devient administrateur général aux côté d’Enzo Ferrari. Michel Paul Cavallier allait souvent à Maranello chez Ferrari pour de nombreux entretiens, avec les ingénieurs Ferrari et Enzo Ferrari, durant lesquels ils discutaient de projets spéciaux. Il participait lui-même à l’élaboration et est aussi à l’origine du fameux moteur 4 cylindres Facel Vega qui a été extrait du fameux Talbot 6 cylindres. Et à l’origine des fameuses boites à vitesse Pont-à-Musson.
Parmi ces projets, ils décidèrent de créer le premier prototype de Ferrari 275 GTB : une voiture sur base de 250 GT Lusso (châssis et moteur, et carrosserie prototype des 250 GTO /64’). La 275 GTB S.E.F.A.C #05161 était née. Elle fût livrée le 23 mars 1963 alors que la production des 275 GTB de série commencera qu’en fin d’année 1964. Cette Ferrari 275 GTB S.E.F.A.C #05161 est donc le Prototype des 275 GTB de série produites plus tard. Sa carrosserie est en aluminium et elle adopte une carrosserie Nez Long (Long Nose).
Malheureusement la S.E.F.A.C sera accidentée en 1963 sur la piste d’essai de Fiorano et sera cédée à Michel Paul Cavallier qui la conservera jusqu’à son décès fin 1964. Après sa mort elle sera vendue au colonel Dick Mitchell et partira pour les Etats-Unis en 1965, ou elle sera convertie en Spider, pour finalement revenir en France dans les 1990 où elle sera restaurée dans sa configuration originale.
Continuons sur les modèles spéciaux avec la troisième et dernière des 275 GTB de la collection de notre cher passionné : la Ferrari 275 GTB Competizione Speciale S.E.F.A.C. #08249. Une Long Nose, 3 carburateurs, carrosserie aluminium.
La 275 GTB S.E.F.A.C #05161 bordeaux dont nous avons parlé avant était le premier projet de la Societa Esercizio Fabbriche Automobili e Corse. Après le décès de Michel Paul Cavallier, un deuxième et dernier projet voit le jour le 14 février 1966 : la Ferrari 275 GTB Competizione Speciale S.E.F.A.C.
A la fin des années 1964, la carrière des 250 GTO en compétition est terminée et Ferrari cherche donc à les remplacer. Afin de promouvoir les 275 GTB qui sont produites depuis le début de l’année 1964, Ferrari décide (à travers la S.E.F.A.C.) de produire quelques 275 GTB Competizione Speciale qui portent les numéros de châssis #06701, #06885, #07185, etc. et notre Ferrari 275 GTB Competizione Speciale S.E.F.A.C. #08249 présentée ici. Elle n’est pas officiellement une Speciale mais en possèdent de très nombreux points communs.
Cette voiture est en fait le résultat d’une commande initiée par l’écurie milanaise Edoardo SPREAFICO afin de faire courir son ami Lorenzo BANDINI aux 1000 kilomètres de Monza de 1966. Un gros travail a été réalisé pour répondre aux besoins de Lorenzo Bandini, notamment une conception allégée pour la course et toutes les dernières technologies de l’époque, le tout en la faisant passer pour une 275 de production. Mais début 1966, Ferrari en décida autrement quand aux 1000 kms de MONZA la marque décida de faire courir Lorenzo BANDINI sur la Dino 206S n° 852, et l’écurie SPREAFICO fera courir Giovanni PESSINA et Piero BOTALLA sur la 275 GTB Competizione Speciale #08249.
Après avoir acquis la voiture le 26 avril 2004, le propriétaire l’a fait expertisé 1 an après en avril 2005 par l’Institut de Soudure (IS), l’organisme qui a expertisé le Concorde après son crash, ainsi que par huissier, afin de prouver que le véhicule a été construit tel quel d’origine et notamment que : l’allègement de la structure n’a pu être fait qu’en même temps que la construction de la voiture, qu’elle a été conçue avec un carter sec, que la carrosserie n’a jamais été ni démontée, ni changée, et enfin que la mécanique est entièrement d’origine.
Les 275 GTB Competizione Speciale possèdent chacune leurs particularités mais ont toutes en communs : une carrosserie en aluminium très fine, une structure légère acier et aluminium offrant un gain de 150 à 200 kg par rapport au modèle de série, et elles sont toutes équipées d’un moteur nervuré (comme celui des 250 LM) comportant 4 points d’attache, ainsi que de nombreuses caractéristiques de compétition : trappe amovible pour l’accès rapide à l’embrayage, échappement latéraux sur le côté portière, etc.
C’est pour cela qu’au premier abord elle peut paraître « abîmée » de par sa carrosserie bosselée. Mais en tenant compte de son histoire et de cette carrosserie unique vous comprendrez pourquoi elle reste ainsi « dans son jus », la remplacer par une nouvelle carrosserie serait peut être plus élégant pour certains mais cela serait une grosse erreur et regrettable. Sans compter que même en cas de restauration de nos jours on ne réalise plus de carrosseries aussi fines.
Quand nous étions sur la digue du Port Hercule de Monaco pour faire les photos nous avons dû la déplacer afin de varier les prises de vues. Afin d’éviter de devoir sans arrêt allumer et éteindre le moteur ou de la laisser au point mort, choses nuisibles à la santé du moteur, le propriétaire m’indique que nous allons la pousser (étant très légère : 800 kg !). Je m’apprête à aider le propriétaire à la pousser quand il me lance « Ah non pas par là ! Aidez-moi à la pousser mais par ici plutôt (m’indiquant un endroit précis sur les ailes arrières). Si vous poussez par là (à l’endroit où je comptais pousser en premier lieu) la carrosserie risque de s’enfoncer car elle fait que 1mm d’épaisseur ». Il me confia qu’il lui arrivait régulièrement de devoir redresser la carrosserie qui bouge au fil du temps et de l’utilisation. C’est vraiment quelqu’un qui connaît ses autos comme si c’était une partie de lui-même, c’est impressionnant et louable. D’ailleurs quand on a fait la séance photo il m’a avoué avoir passé 2 heures la veille à la bichonner et la préparer : « j’ai passé la soirée à rajouter de l’huile, à vérifier si tout marchait bien au niveau mécanique, à tout contrôler et je l’ai lavé à la main. ». « Vous savez ce n’est pas une voiture pour laquelle il suffit de tourner la clé et elle démarre !» ajoute-il en souriant.
De nombreuses personnes qui faisaient leur jogging s’arrêtaient pour prendre des photos et aussi demander ce que c’était comme voiture et de quelle année elle était. Parmi eux, une femme interpella notre homme, et au fur et à mesure de la discussion elle a pu réaliser toute la passion qui anime notre propriétaire : « je sens que vous êtes passionné. Cela paraît évident et encore plus quand on vous regarde vous et la voiture : vous êtes connectés et vous allez merveilleusement bien ensemble. On sent qu’il y a une histoire entre vous et une véritable âme se dégage de la voiture et de vous ».
Comme le précédent projet spécial de la Societa Esercizio Fabbriche Automobili e Corse, la création des 275 GTB Competizione Speciale ne sera pas vaine puisque les quelques Speciale produites entre 1965 et le 14 février 1966 (pour la dernière produite : #08249), serviront de base aux 275 GTB/C (Compétitzione) qui seront produites en 1966.
Livrée le 14 février 1966, la 275 GTB Competizione Speciale S.E.F.A.C. #08249 a donc couru à la Coppa FISA de Monza. Et ensuite aux 1000 km de Monza le 25 avril 1966, pilotée par Giovanni PESSINA et Piero BOTALLA. Durant la course elle subira une surchauffe moteur à cause à la puissance moteur trop importante du V12 3,3L. Les mécaniciens décideront alors de découper la partie supérieure de la calandre à la main (pour aérer le moteur), comme ils l’avaient fait sur la 275 GTB Competizione Speciale #6885 aux 24H du Mans. Durant les 1000 km de Monza en 1966 elle subira aussi des dommages à l’avant et à l’arrière lorsqu’elle fut percutée par la 2ème Ferrari 275 GTB #06785, ce qui lui a occasionné de précieuses minutes en réparation. En prévision de la 50ème Targa Florio en 1966 elle a été envoyée à Maranello en mai 1966 pour réparation suite à l’accident à Monza. Par la suite des veilleuses avant ont été ajoutées, ainsi que des ouïes de ventilation dans les ailes arrière.
En janvier 1967 elle sera à nouveau envoyée chez Ferrari à Maranello afin d’effectuer des réglages moteurs dans l’optique d’une utilisation routière dorénavant. Peu après, de fin janvier 1967 à 1973 elle changera plusieurs fois de mains en Italie et sera exportée au Etats-Unis en juillet 1973 où elle devait courir à Daytona via Jim Mc Roberts. Ensuite elle sera totalement démontée, avec toutes les pièces d’origine afin d’être restaurée, mais le projet n’aboutira jamais. Le 21 juillet 1980 elle est revendue au Royaume-Uni mais durant son transport des Etats-Unis au Royaume-Uni elle est endommagée dans son conteneur. Elle sera donc offerte aux enchères Bonhams le 28 avril 2004 sous forme de lot « Basket Case » avec toutes les pièces. C’est à ce moment là que notre homme a acquis la voiture : « Quand j’ai acheté la voiture je dois avouer que je n’avais pas la somme pour la payer, mais je la voulais alors je n’ai pas réfléchit. Ma femme m’a traité de fou mais elle m’a dit qu’on se débrouillerait, et pour cela j’ai dû vendre ma 250 GT Lusso entièrement restaurée ».
Pour d’autres détails et compléments d’informations rendez-vous sur le site qui lui est entièrement dédié : http://www.ferrari275gtbcompetition.com
Même si les séances photos de chaque voiture n’étaient pas réalisées le même jour, ce n’est pas une chose facile que de sortir et de faire rouler des voitures comme cela. La première chose est de pouvoir bénéficier d’un parking assez grand pour stocker 3 voitures de collection comme celles-ci, une chose compliquée à Monaco et ses environs tant la place et les parkings se font rares.
Ensuite il faut les mettre en route et les conduire : sans ceintures bien sûr puisque dans les années 1960-1970 ce n’était pas obligatoire, d’autant que dans le cas de la 275 GTB Competizione Speciale S.E.F.A.C. #08249 il s’agit d’une voiture de course donc pas vraiment adaptée à la route. Une fois installé il faut encore réussir à manœuvrer dans le trafic dense du Sud de la France. Là non plus on ne parle pas de direction assistée, de radars de reculs etc. Il faut se battre avec le volant pour tourner, le tout dans une visibilité réduite. Mais tout cela fait partie du charme et de la philosophie d’une voiture classique, au même titre que l’odeur du vieux cuir à bord, du métal brut, de l’essence et des gaz d’échappement, le son du moteur en guise de radio. Même après des années à conduire sa voiture notre homme s’en émerveille encore dans les tunnels monégasques : « vous entendez ça ! Quel moteur ! C’est fantastique ».
Elles titillent les oreilles et attirent les regards : les têtes se retournent, les appareils photos se dégainent. Notre homme est toujours disponible pour répondre aux questions des passants, intrigués.
Tout ces détails et situations témoignent d’une certaine fragilité passée. Fragilité non pas parce que mal conçue, mais fragilité car vous devez faire attention à tout : le type de vêtement que vous portez pour ne pas craqueler le cuir d’époque si fragile, tâcher de préserver la mécanique en la mettant le minimum au point mort, éviter les démarrer-arrêter, prévoir les trajectoires bien à l’avance, etc. Mais cela n’est pas si compliqué que cela comme le souligne le propriétaire : « honnêtement c’est plutôt simple de conduire ces voitures, c’est assez souple ». Mais avec toutes ces constations je réalise pourquoi ce genre de voitures restent souvent dans des garages. Et je réalise encore plus la chance que j’ai parfois d’en voir en pleine rue, de même qu’avoir la chance de les voir rouler lors d’événements automobiles comme le Grand Prix Historique de Monaco, le Tour Auto, Les Dix Mille Tours, etc. C’est tout à l’honneur de leurs propriétaires, comme notre homme qui nous, et vous fait partager son histoire à travers moi.
Au terme de cette aventure je tiens à remercier le propriétaire pour sa patience, sa gentillesse, sa confiance et sa disponibilité tout au long de cette aventure.