Il y a quelques années quand je faisais mes premiers pas dans l’univers automobile je ne m’y connaissais que peu, et encore moins dans les automobiles anciennes, Ferrari notamment. Ce constat me fait penser à une anecdote que j’ai vécu quand je réalisais un stage de journalisme automobile en Belgique pendant mes études. Parmi mes missions je devais régulièrement récupérer des voitures de presse auprès des concessionnaires. Un jour je récupérais une Volkswagen Golf chez un concessionnaire Bruxellois et quand je suis sorti de la concession avec la voiture je suis tombé sur une voiture ancienne jaune à la station service qui était à côté.
J’ai reconnu que c’était une Ferrari mais je n’avais aucune idée de quel modèle il s’agissait mais je me suis quand même arrêté pour la prendre en photo. La seule chose que je peux vous dire c’est que je suis tombé immédiatement amoureux de sa ligne et de cette auto. Après quelques recherches il s’agissait d’une Ferrari 250 GT Berlinetta SWB, un des modèles mythiques de la marque au cheval cabré.
Mais c’est seulement maintenant que je suis un peu plus familiarisé avec les voitures anciennes de collection (en allant chaque année notamment au Concorso D’Eleganza Villa D’Este qui est un des seuls événements où vous pouvez croiser ce genre de voiture) que je réalise la rareté de la voiture que j’avais croisé plusieurs années auparavant, de façon totalement aléatoire.
La Ferrari 250 GT Berlinetta SWB (Short Wheel Base, comprenez empattement court) est devenu depuis ma Ferrari classique préférée. Je n’aurais jamais imaginé un jour réaliser une séance photo avec cette merveilleuse voiture. C’était oublié les rencontres inattendues que l’on peut faire à Monaco et la gentillesse et la simplicité de certains propriétaires accessibles. Histoire d’une rêve devenu réalité.
La Ferrari 250 GT Berlinetta SWB a été présentée pour la première fois en 1959 lors du salon de Paris en tant que remplaçante de la Ferrari 250 GT Tour De France. La principale différence est que l’empattement a été réduit à 2400mm (2600mm sur la 250 GT Tour De France), d’où son nom : Short Wheel Base (empattement court en français) contre Long Wheel Base (empattement long en français) pour les Tour De France et précédentes. Il a été réduit pour une meilleure maniabilité et cet empattement est ensuite devenu le standard. Comme son ancêtre, la voiture a été dessinée par Pininfarina, et carrossée par Scaglietti.
Pour moi c’est la plus belles de toutes les anciennes Ferrari, elle possède une classe et une élégance incroyable. Elle reste compacte et presque petite, très équilibrée, tout en rondeurs : admirez les courbes de sa croupe soulignée par les doubles sorties, des vraies fesses de bébé ! Comment ne pas tomber amoureux ?
Les premières Ferrari 250 GT Berlinetta SWB produites ont été baptisées Competition (Competizione) car elles étaient spécifiquement faites pour la piste : une V12 de 280ch à doubles carburateurs Weber, une boîte manuelle à 4 rapports et une carrosserie aluminium reposant sur un châssis avec des suspensions inédites et enfin un intérieur dépouillé. La 250 GT Berlinetta SWB Competizione a été créée dans un but unique de performance, tant en accélération, en freinage, ou encore en maniabilité. Il est difficile de donner des chiffres précis sur la production mais aux alentours des 50.
Par la suite la Ferrari 250 GT Berlinetta SWB a aussi été produite dans une version plus lourde, en acier, même si les versions aluminium continuaient à être produites. Elles furent baptisées Lusso (aussi appelées Clienti) et créées avec des performances légèrement inférieures par rapport à la version Competizione évoquée plus haut, mais avec plus de facilité d’utilisation pour un usage routier. Cette appellation « Lusso » pour la Berlinetta SWB est à ne pas confondre avec la 250 GT Lusso apparue en 1963, qui elle était un modèle à part entière. Dans le cas de la Berlinetta SWB ce terme « Lusso » servait essentiellement à la différencier des versions Competizione.
La puissance a été réduite à 240ch. Bien sûr il y avait possibilité de faire quelques aménagements entre les deux versions de base en greffant tel ou tel élément de l’une des deux version sur l’autre selon les souhaits du client. Au total environ 170 Ferrari 250 GT Berlinetta SWB ont été produites (environ 50 Ferrari 250 GT Berlinetta SWB Competizione et le reste en version Lusso).
Au-delà des performances, la différence principale entre les versions Competition et Lusso est l’ajout de pare-chocs sur la Lusso, un intérieur cuir, des vitres escamotables, et une meilleure insonorisation. Tout cela s’en ressent donc sur le poids qui passe de 1050kg (pour la Competitizione) à 1160kg pour la Lusso (Clienti).
Encore une fois il faut garder à l’esprit qu’à cette époque comme ces voitures étaient toutes faites à la main, chaque 250 GT SWB Berlinetta peut paraitre similaire en apparence, mais est en réalité totalement unique.
Malgré cela, il y a quelques indices pour tâcher d’identifier l’année de production d’une SWB comme expliqué par Ferrari : « le dessin global a légèrement changé au cours des 3 années de production de 1960 à 1962. Cependant, il y a différents détails qui permettent d’identifier la date de production d’une voiture en particulier. Dans les premiers mois de production le côté des ailes avant et arrière était lisse, tout comme le couvercle de coffre. Il y avait aussi une entrée d’air au niveau du milieu du haut du pare brise arrière, et les vitres latérales comportaient une forme différente des versions suivantes. Enfin la partie basse du pare-choc avant comportait une paire d’ouvertures rectangulaires afin de refroidir les freins avant.
Les modèles produits vers milieu 1960 avaient des aérations verticales sur les ailes avant et arrière, avec des entourages chromés sur les côté et à l’arrière, et des clignotants en forme de goutte d’eau sur les ailes avant. Ces modèles possédaient un renfoncement pour la plaque sur le couvercle de coffre, et une aération de l’habitacle par une fente située au sommet du pare-brise arrière. Le choix était proposé entre des vitres coulissantes ou des vitres escamotables. Si ces dernières étaient choisies, des custodes avant ouvrables étaient proposées en série. Tous les modèles produits jusqu’à cette période comportaient un bouchon de réservoir externe, situé sur le côté gauche du coffre.
Les principales différences entre les modèles de 1960 et ceux d’après 1961 sont la forme des fenêtres de portes, qui avaient un bord supérieur plus droit, ainsi qu’un nouvel emplacement pour le le bouchon de réservoir d’essence (qui se trouvait sur l’aile arrière gauche mais à présent intégré dans le couvercle coffre).
Il y avait aussi bien sûr de nombreuses autres petites différences, comme la grille de calandre légèrement plus grande et un léger restylage des ailes arrières, l’emplacement des points de levage, le tout dans une identité choisie par le client. Mais ces détails permettent d’identifier les différentes séries. »
La Ferrari 250 GT Berlinetta SWB jaune que vous avez sous les yeux est la 21ème sur la cinquantaine (environ) de Ferrari 250 GT Berlinetta SWB Competizione, châssis #1965GT, livrée le 13 juin 1960.
Elle était à l’origine rouge et fût livrée en premier à l’Ecurie Francorchamps (Belgique) pour Jacques Van De Velde (pilote belge). L’Ecurie Francorchamps la gardera 2 ans, jusqu’en 1962. Durant ces 2 années elle a beaucoup couru lors de courses en Belgique jusqu’au 1er décembre 1962, date à laquelle elle fût gravement accidentée lors du Grand Prix d’Angola à Luanda (Afrique), pilotée à l’époque par Robert Darville. Peu après son accident elle fut rachetée en l’état (accidentée) par Piero Drogo (pilote et carrossier italien), où elle possédait encore ses plombs de douane entre la Belgique et l’Angola. (Quand les voitures passaient les douanes elles recevaient des plombs avec une chaine pour marquer le passage en douane avec un numéro).
Pierro Drogo avait aussi en sa possession une autre 250 GT SWB Berlinetta Competizione : #2445GT, qui est maintenant devenue la Ferrari 250 GT Drogo Berlinetta depuis que Piero Drogo l’a reconstruite avec cette nouvelle carrosserie (elle a été convertie avec cette nouvelle carrosserie après son accident lors des 500 kilomètres de Spa en 1964). Livrée en avril 1961 à l’Ecurie Francorchamps (comme #1965GT en 1960), Drogo venda #2445GT aux USA en 1964 (en Californie et plus précisément à James Coburn). Mais pour faciliter les formalités douanières liées au passage de l’Italie aux USA, Piero Drogo décida de frapper #1965GT sur la colonne de direction, puisque elle avait déjà tous les papiers nécessaires suite à son export en Angola en 1962, cela évitait de nombreuses démarches et de longs délais administratifs.
Donc #2445GT a été exportée en se faisant passer pour #1965GT pour faciliter la tâche, mais il s’agissait bien en fait de #2445GT. Piero Drogo (qui décèdera en avril 1973) conserva 1965GT dans son état accidentée pendant 11 ans jusqu’en mai 1973, où elle fut alors mise en vente lors de la vente judicaire suite à son décès, avec son numéro de châssis frappé au bon endroit en bas vers le pédalier, ôtant tout éventuel doute sur son authenticité (jusqu’aux environs des châssis #2000, les numéros de châssis étaient frappés sur la poutre avant gauche près du pédalier. Sur la deuxième série après les premières Competition, il était alors gravé sur le haut du châssis qui tient la colonne de direction).
Peter Bell (Royaume-Uni) l’a alors achetée lors de la vente judiciaire en mai 1973 et a commencé à la restaurer que 13 ans après, en 1986, avec son châssis original #1965GT, son moteur #1965GT ainsi que le plus de pièces originales possibles. Celles qui étaient détruites et non utilisables ont été remplacées. 16 ans après, en 2001 elle sera cédée au propriétaire actuel qui a toujours en sa possession les plombs de douane.
Pour plus d’informations sur cette Ferrari 250 GT Berlinetta SWB Competizione je vous invite à consulter son site dédié : http://ferrari250swb-competition.com/index.html
Nous avons commencé à prendre des photos sur la digue principale du Port Hercule de Monaco. C’est l’un des seuls endroits pour réaliser une séance photo complète à Monaco et il offre un assez joli arrière-plan sur le Casino, les bateaux et la mer.
Ensuite nous sommes allés à l’Héliport dans le quartier de Fontvieille, pour tâcher d’avoir quelques hélicoptères sur les photos.
Le propriétaire voulant un peu rouler avec la voiture, nous voilà partis sur les hauteurs direction la Tête de Chien : une colline française située dans la ville de La Turbie, qui surplombe Monaco. La route jusque là est assez sinueuse avec plusieurs lacets, l’occasion d’entendre hurler le V12, un vrai bonheur.
Quand le ciel est dégagé, la Tête de Chien offre une magnifique vue à 180 degrés sur la Méditerranée et sur l’étendue de la French Riviera de Menton (et même de San Remo en Italie) à Cannes. Vous pouvez alors admirer le dessin de la Côte d’Azur et notamment tous ses Caps (le Cap Martin, le Cap Ferrat, et le Cap d’Antibes). Un point de vue immanquable si vous visitez Monaco et ses alentours.
Mais toutes les bonnes choses ont (malheureusement) une fin. Après cette matinée de rêve avec des moments magiques en compagnie de cette Ferrari 250 GT Berlinetta SWB Competizione il est temps de remercier son heureux propriétaire d’avoir conduit cette magnifique voiture et d’avoir pris du temps pour faire des photos avec. Cela sans nul doutes l’un de mes plus beaux souvenirs, j’espère avoir réussi à partager un peu de ce moment de bonheur avec vous.
